2020, l’OMS déclare l’’Année internationale des sages-femmes et du personnel infirmier, et on peut le dire, ça commence fort ; même très fort. Vous l’avez remarqué, aujourd’hui un virus teste nos capacités organisationnelles et notre réactivité. Les systèmes de santé de par le globe sont mis à l’épreuve et cela sans exception aucune.
La seule différence se situe dans le timing, nos voisins vivent ce que nous vivrons demain ou dans deux semaines si nous avons de la chance. Il est plus que temps de nous organiser. De mettre en place une politique de gestion de cette pandémie mais pas seulement. Cette crise n’est que la pointe de l’iceberg des défaillances de notre système de santé belge.
Les services de soins intensifs vont être submergés, les capacités en lit ne suffiront pas, le matériel manque déjà. Et cela fait peur… pourquoi ?
Parce qu’en temps normal, nous sommes déjà dépassés par la charge de nos patients (il suffit de relire l’étude NAS).
Parce que sans équipement de protection individuel, nous tombons malades.
Et qui sera là pour soigner l’infirmier/e qui se meurt ?
#bonneannée2020
ARTICLE : 11/03/20 (Version complète et documentée)
Que nous apprend le COVID-19 sur nos soins intensifs et leurs capacité à faire face à une pandémie un tant soit peu mortelle?
Voici ce qu’il nous apprend: Que lorsque le sage montre les hôpitaux, les ministres regardent le COVID !
Actuellement, des voix contestent que les lits de soins intensifs, en Italie, sont saturés, avec un manque flagrant de moyens ; et pour preuve : les soins intensifs se sont invités dans les couloirs de nos hôpitaux !
En Belgique, heureusement, nous avons un nombre de lit de soins intensifs des plus élevés en Europe (18). Cependant, ces lits sont fréquemment saturés en hiver (taux d’occupation moyen : 85-90%). Nous pourrions donc faire face un nombre massif de patients critiques et qui devraient être évidemment isolés (chambre seule)!
En parallèle, nous avons le nombre d’infirmier/e moyen par patient le plus bas en Europe! Selon la récente étude NAS que certains de nos membres ont publié, ils démontrent que le personnel infirmier devrait être deux fois plus nombreux aux soins intensifs qu’actuellement (16). En 2020, il n’est plus nécessaire de prouver que le nombre d’infirmier/e au chevet des patients est corrélé à la mortalité des patients (1 ; 3 ; 5 ; 7)!! Mais également au risque de contamination d’autres patients (2 ;4 ;6 ;7) .
Les patients atteints de COVID-19 nécessiteraient donc un/e seul/e infirmier/e à leur chevet. Et c’est bien la position de nos confères italiens (isolement, patient critique, habillage et déshabillage, risque de contamination de patient non contaminés…) !!! Le fait de devoir s’occuper de plusieurs patients, à fortiori plus de deux par infirmière génère l’augmentation du risque d’infection, de décès, mais également le risque de manquer des soins (8 ;9 ;10).Il est important de savoir que 7% des malades touchés par le COVID-19 en chine ont fait un séjour en USI (19)! Il est également intéressant de noter que lorsqu’ils étaient ventilés, la durée moyenne de ventilation tournait autour de 2 semaines… De quoi saturer rapidement nos lits, et nos respirateurs. (19)
Le nombre d’admission à l’USI pourrait donc devenir impressionnant et mener à une situation de médecine de catastrophe comme c’est le cas en Italie actuellement : les médecins doivent choisir, qui peut bénéficier du dernier respirateur ? Qui intuber et qui laisser mourir ?
Le gouvernement et nos dirigeants sont-ils prêts à gérer une telle situation ?
Nous doutons même qu’ils aient conscience que c’est ce qu’il risque d’arriver si ils ne se positionnent pas. Quant au risque d’infection du personnel, qu’en est-il ? Les stocks de masques et de blouses commencent déjà à manquer dans les hôpitaux.
Si les infirmier/e/s sont infectés par le COVID-19, qui va vous soigner ?
Sans ce virus, la situation est déjà extrêmement difficile, les étudiant/e/s infirmier/e/s sont en ARCA, les blouses blanches débrayent. La réalité est là, la pénurie infirmière est présente et cette crise la marquera encore plus!!
À titre d’illustration, la grippe espagnole a tué 25% des infirmières ! Si cela devait arriver, nous aurions une mortalité moindre qu’à l’époque l’épidémie Espagnole, mais y aurait-il suffisamment de personnel pour soigner les malades ? Il y a fort à parier que non, étant déjà en flux tendus dans tous nos établissements, les moindres absences se payeront au prix fort dans nos unités, avec un gros risque de devoir fermer des lits afin de respecter les normes d’encadrement. Devons-nous insister sur le fait qu’elles sont déjà dépassées ? Oui, nous le devons ! La situation actuelle en Belgique n’est absolument pas propice à la prise en charge optimale des patients en soins intensifs et cette épidémie (désormais qualifiée de pandémie OMS 11-03-20) va montrer les limites que nous nous efforçons de pointer du doigt depuis un certain temps.
Dernièrement, en janvier, nous avons rencontré la ministre de la santé Wallonne pour présenter les résultats de l’étude NAS et la prévenir des risques qu’encourraient les patients en temps normaux… Nous étions déjà des oiseaux de mauvaise augure. Que dire à l’heure actuelle ?
Cette situation de crise sera-t-elle le coup de pouce que nous espérions pour faire entendre la voix des infirmier/e/s ? À quel prix ?
Il est important de noter que nous nous positionnons en tant qu’infirmier/e/s de soins intensifs, mais que la situation est identique dans tous les domaines des soins infirmiers. La surcharge de travail est réelle et les normes dépassées. Il est nécessaire et urgent de revoir les normes d’encadrement dans tous les pans des soins infirmiers.
Il est nécessaire que le gouvernement se positionne fermement sur les mesures à prendre pour protéger le public dans le cadre de cette pandémie, et cela dans les plus brefs délais. Mais il ne faudra pas qu’ils baissent les bras à la fin de celle-ci pour continuer à nous donner les moyens de soigner les patients comme chacun souhaiterait que ses proches soient pris en charge ! Ce n’est pas un virus qui nous fera oublier un de nos objectifs… L’encadrement sécuritaire de nos malades !!!
Aux ministres, notre message est : Il faut prendre le temps, il y a urgence.
Pour la SIZ Nursing,
Arnaud Bruyneel, PhDc, MSc, RN, CCRN
Yannick Hansenne, MSc, RN, CCRN
Josefine Declaye, MSc, RN, CCRN
Références :
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2. Daud-Gallotti RM, Costa SF, Guimarães T, Padilha KG, Inoue EN, Vasconcelos TN, Levin AS (2012) Nursing workload as a risk factor for healthcare associated infections in ICU: a prospective study. PloS one 7:e52342. doi.org/10.1371/journal.pone.0052342
3. Stone PW, Mooney-Kane C, Larson EL, Horan T, Glance LG, Zwanziger J, Dick AW (2007) Nurse working conditions and patient safety outcomes. Medical Care 45:571-578. doi:10.1097/MLR.0b013e3180383667
4. Venier AG, Leroyer C, Slekovec C, Talon D, Bertrand X, Parer S, Clair B (2014) Risk factors for Pseudomonas aeruginosa acquisition in intensive care units: a prospective multicentre study. Journal of Hospital Infection 88:103-108. doi.org/10.1016/j.jhin.2014.06.018
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6. Cimiotti JP, Aiken LH, Sloane DM, Wu ES (2012) Nurse staffing, burnout, and health care–associated infection. American Journal of Infection Control 40:486-490. doi.org/10.1016/j.ajic.2012.02.029
7. Jansson M, Syrjälä HP, & Ala-Kokko TI (2019) Association of nurse staffing and nursing workload with ventilator-associated pneumonia and mortality: a prospective, single-center cohort study. Journal of Hospital Infection, 101(3), 257-263. doi: 10.1016/j.jhin.2018.12.001.
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