Lettre ouverte de la société des infirmiers de soins intensifs à l’attention de Madame la Première Ministre
Madame la Première Ministre,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Nous avons la chance en Belgique d’avoir un nombre de lits de soins intensifs par habitant des plus haut d’Europe pouvant être un vrai atout dans la lutte contre le COVID-19. Mais l’ironie veut que l’on ait l’un des ratios infirmier/patient les plus bas d’Europe (1/3). Nous, infirmiers de soins intensifs, n’avons cessé de vous prouver notre surcharge de travail ces dernières années, impactant directement la qualité des soins et la sécurité de nos patients.
Nous n’avons cessé de manifester notre malaise, nous n’avons trouvé que portes closes et oreilles bouchées de nos politiques. L’impact du manque de reconnaissance, des conditions de travail parfois catastrophiques, se fait ressentir de manière croissante dans notre quotidien.
Ces 22 dernières années tout a évolué dans nos soins intensifs : appareillages, technicité, liste d’actes la patientèle de plus en plus âgée et ses comorbidités… Mais NON tout n’a pas évolué : nos normes en permanence infirmière aux soins intensifs sont restées figées depuis 1998.
Nos unités manquent de personnel et il n’y a personne à engager. Vous ne cessez de tenter de faire disparaitre notre spécialisation : augmentation de la durée des études, augmentation de la durée spécialisation en vue et tout cela accompagné du retrait de notre prime; sans parler de la revalorisation salariale octroyée à d’autres secteurs lors du passage de leur formation à 4 ans…
En ce début de crise du COVID-19, le manque récurrent de personnel compétent pour les soins intensifs se fait de plus en plus ressentir, les compteurs d’heures s’affolent et ne pourront JAMAIS être récupérées. Peut-on encore espérer prendre nos congés annuels, déjà difficiles à prendre en temps normal et reportés afin de faire face à cette pandémie avant la fin de l’année ? Qui nous remplacera dans les soins ?
Tout cela ne nous empêche pas de revenir travailler, par passion, par amour de notre profession, par devoir. Revenir, prendre des risques, en première ligne pour sauver un maximum de nos patients, de nos compatriotes. Dans nos unités, les soins à risque sont fréquents, intubation, aspiration endotrachéale… avec des moyens de protection non harmonisés d’un hôpital à l’autre, souvent insuffisants, mettant en danger notre santé et celle de nos proches. En venant travailler chaque jour, nous avons tous en tête ces chiffres italiens où, dans les zones frappées de plein fouet par le COVID-19, 30 à 40% du personnel soignant est malade.
Cependant, quand nos infirmiers de soins intensifs s’effondreront de la fatigue accumulée ces derniers jours, semaines, mois, années, c’est tout le système de santé qui sera entrainé avec nous.
Chers ministres, nous, infirmiers de soins intensifs ainsi que tout le personnel soignant venant nous aider, puiserons jusqu’au bout de nos réserves pour passer cette crise, mais une fois l’éclaircie en vue, n’oubliez pas d’enfin écouter notre mal-être permanent!
Martin Fortemps et Jérôme Tack, pour le conseil d’administration de la SIZ Nursing, asbl